Dans l’exposition Ô Boulot ! présentée au MAIF Social Club, la commissaire AnneSophie Bérard, convoque une quinzaine d’artistes autour des nouvelles formes de travail. Notre regard s’est arrêté sur l’oeuvre de Jean-Baptiste Caron, et son utilisation du miroir. Retour sur cet objet magique et extrêmement ludique.
Miroirs magiques : de la Chine à Blanche Neige
Le miroir. Cet objet du quotidien constitué d’une surface de verre étamé, réfléchit la lumière, les personnes et les choses. A la fois banal et mystérieux, le miroir traverse les siècles et interroge les scientifiques. En Chine, au Ve siècle après JC, les miroirs magiques font leur apparition. Leur particularité est d’être à la fois opaque et transparent. Ce savoir-faire ancestral permettait de voir à l’intérieur du miroir les motifs incrustés au dos de l’objet. Le procédé ne sera compris par les scientifiques qu’au début du XIXe siècle. C’est dire si cette surface renferme des secrets. Aujourd’hui, seuls Yamamoto Akihisa et son fils, restent garants de cette technique du miroir magique.
Le miroir est cet entre-deux de vérité et d’illusion. Et c’est sans doute cette ambiguïté qui lui confère un pouvoir. Outil indissociable de l’univers du merveilleux, il se met à parler dans Blanche Neige et les sept nains. Personnifié à l’extrême, le miroir est interrogé par la méchante reine : « Miroir magique au mur. Qui a beauté parfaite et pure ? ». Cet extrait confère au miroir le pouvoir de vérité absolu.
Si le miroir révèle des vérités, il est aussi la porte d’entrée d’un monde imaginaire. Dans le roman écrit par Lewis Carroll en 1871, Through the Looking-Glass, and What Alice Found There, Alice entre dans un monde à l’envers, où il faut courir très vite pour rester sur place. Monde absurde, monde des morts, monde qui emprisonnerait l’âme ou monde à découvrir, le miroir est le lieu de tous les fantasmes. Cette symbolique a fait de lui, un outil très plébiscité dans les arts.
Matière à réflexion
Si dans Blanche Neige et les sept nains, les miroirs parlent, dans l’oeuvre de Jean-Baptiste Caron, ils écrivent. Matière à réflexion s’inscrit dans un travail sur le miroir et le souffle. A première vue, l’oeuvre se présente sous la forme d’un simple miroir. On se regarde, il ne se passe rien. C’est en soufflant dessus que l’oeuvre prend tout son sens. Le specta(c)teur fait apparaître grâce à l’air expiré de sa bouche, des mots. Ici, ce sont une soixante de mots choisis par les sociétaires de la MAIF qui s’écrivent. Des mots sur le sens du travail. Des mots qui disparaissent rapidement comme un rêve, une apparition. On joue avec cette buée comme une encre invisible qu’il faudrait rendre visible.
Jean-Baptiste Caron est un magicien. Un vrai. Si son travail ne se résume pas à cette tranche de vie, elle influence ses créations. Ce diplômé de l’ENSAD, Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs, a l’esprit de l’illusion. Il sait en revanche que « l’on peut passer à côté de l’oeuvre », nous confie-t-il. En effet, il ne cherche pas à donner de mode d’emploi de son oeuvre. Il y a une part de hasard. Comme dans un jeu de piste, on doit retrouver le message.
« Je m’amuse à rendre l’invisible visible » explique Jean-Baptiste Caron. Et nous, on se prend au jeu. On souffle encore et encore. Et on tombe sur le mot « CRÉER ».
Crédit photo : Jean-Baptiste Caron