Bons points, un jeu dangereux : de l’éducation nationale à Amazon

Sous couvert d’être une opération ludique, le système des bons points est remis dangereusement au goût du jour.  Si Amazon vend des milliers de petites boîtes « 100 bons points animaux », le géant américain en distribue également à ses employé.e.s de l’entrepôt de Lauwin-Planque, près de Douai. Retour sur un jeu qui n’en est pas un.

Une méthode éducative controversée

Si l’utilisation des bons points est parfaitement autorisée par l’Education nationale, son application fait débat. On admet que la règle de « la carotte et du bâton » s’inscrit dans une pédagogie de la motivation. En effet, si on se réfère à la loi Hull et le fait que la distribution de compliments participe à renforcer la réussite, on peut penser qu’il est quasi nécessaire de distribuer des récompenses aux élèves pour obtenir d’eux des résultats.

Mais il y a un « hic ». C’est « l’atmosphère immorale » que cela peut entraîner. D’après les pédagogues Célestin et Elise Freinet, le système des bons points favorise peur, stress et découragement. Si le bon point peut motiver les bons ou excellents élèves, il peut démotiver ceux qui ont plus de difficultés. Ainsi les inégalités s’accroissent et l’élève en situation d’échec décroche.

« Safety Fun Game »

Comme dans une classe d’école, Amazon s’est mis en tête de distribuer des bons points à ses salarié.e.s. Pour faire face au pic de Noël, l’entreprise d’e-commerce a recruté plus de 7000 personnes sur 5 sites français. Pour motiver ses équipes de Lauwin-Planque, la direction a inventé un « jeu » : le « Safety Fun Game ». 

Le but annoncé par Amazon est de limiter les rythmes d’accidents. Les règles sont assez simples : les participants écrivent leur nom, le nom de leur supérieur, et la faute que ce dernier a commis. Plus il y a de bulletins, plus le salarié ou la salariée gagne des points.

Cumulez les good points à chaque action non safety de la part du général manager, d’un senior ops, d’un lead ou d’un manager.

Les salarié.e.s qui engrangent le plus de points gagnent un cadeau. Le premier prix serait un drone.

Une personne dans les rayons d'un entrepot

 

« Work hard. Have fun. Make history. »
..des meilleurs faux-jeux

Amazon se trompe sur le nature de ce concours. Il est qualifié de jeu. Mais le jeu d’après Gilles Brougère notamment, professeur de sciences de l’éducation à l’université Paris 13, est cette activité dans laquelle on décide librement d’entrer. On s’y adonne pour se divertir, pour en tirer un plaisir. Si les syndicats pointent du doigt les dangers évidents de délation, d’archivage des faux-pas, c’est selon nous l’atmosphère générale qui se détériore.  Compétition, tricherie, jalousie, non propice aux apprentissages et à l’entraide, voici la liste des risques applicables aux bons points dans les années 80 et au « Safety Fun Game » en 2017.

 

« Le bon militant du web »

La technique des bons points est utilisée en entreprise mais aussi pratiquée en politique. Le candidat Bayrou en 2012, avait proposé à ses sympathisants de gagner des décibels, sorte de bons points reçus à chaque bonne action : distribution de tracts, partage de vidéos, propositions,…

Certainement inspiré par le groupe Début de soirée (« On a trouvé des décibels dans ton check-up »), François Bayrou a certes accentué sa présence sur la toile en 2012. L’entreprise Amazon aussi, a accentué sa présence sur la toile ses derniers jours mais pas dans la catégorie « bonne élève ».

À propos de l'auteur

Dite le petit futé de BEJOUE, elle aime les histoires de jeux et de gens, les enquêtes de terrain au pied de son immeuble, et la moquette dans les pubs.